Article publié dans Profession CGP n°60 Juillet - Août - Septembre 2024
Souvent, la première et seule information que les CGP ont de la médiation, c’est une figure de style faisant partie des documents contractuels qu’ils signent et font signer quotidiennement.
Et ce n’est pas un sujet qui, de prime abord, attire : le CGP redoute le litige éventuel, ne sait ni comment l’appréhender ni comment le gérer.
Son premier réflexe sera donc, par habitude, d’aller au combat, de viser le KO de l’adversaire.
Cela n’est cependant pas l’option la plus efficace.
Plus qu’une obligation réglementaire, la médiation est surtout une pratique et un outil efficace qu’il convient de bien connaître afin de bien la maitriser.
Car, si le recours à cette dernière peut s’expliquer par la volonté de désengorger les juridictions, c’est aussi et surtout parce que cette pratique est efficace, pragmatique et pérenne qu’elle est devenue une obligation.
L’obligation de recourir à la médiation inscrite dans les contrats n’est donc pas seulement une clause de style mais bel et bien la première étape pour permettre aux parties de trouver, de manière volontaire, une solution pratique, rapide et peu onéreuse au litige qui les oppose.
Pourquoi médiation et CGP ?
Il n’est pas question de traiter ici les procédures de règlement des réclamations qui doivent être prévues et détaillées dans le cadre de la gouvernance du cabinet.
On rappellera seulement que le cabinet doit assurer la formation du ou des collaborateurs en contact avec le client pour qu’il(s) puisse(nt) identifier clairement les réclamations reçues et utiliser de façon appropriée le circuit de traitement des réclamations.
Cela entraîne une organisation pratique : mise en place d’un recueil des réclamations, procédures de traitement des réclamations, désignation du responsable du traitement des réclamations… (cf. article 325 – 23 du RGAMF).
On n’oubliera pas non plus de citer le Doc – 2012 – 07 Instruction Recommandations AMF sur le traitement des réclamations (7 pages) et, pour l’ACPR, la Recommandation 2022 – R – 01 du 9 mai 2022 sur le traitement des réclamations (6 pages).
Si l’AMF, concernant les CIF, traite de l’intervention du médiateur de l’AMF, l’ACPR prévoit quant à elle l’intervention du médiateur de la consommation.
Le problème du multi statut du CGP est que cela rend très difficile l’identification d’un médiateur compétent unique.
La question du règlement des litiges par voie de médiation entre CGP/CIF et leurs clients est strictement encadrée :
Pour les CIF, c’est le médiateur de l’AMF qui est compétent
Pour les autres statuts, il faudra faire recours au médiateur de la consommation.
Cependant, il serait réducteur de n’envisager que l’hypothèse d’un litige entre le professionnel et son client.
Ainsi, le recours à la médiation peut s’avérer utile :
Pour aider un client à sortir d’une situation problématique :
o Divorce
o Indivision
o Conflit entre lui et un associé dans une SARL, une SCI…
o Conflit de voisinage empêchant toute opération sur un bien immobilier
Pour résoudre un conflit avec un autre professionnel
o Un autre CGP au sujet d’un transfert de client par exemple
o Un fournisseur/partenaire
o Un associé
Pour trouver une solution avec
o Un collaborateur ou un mandataire
o Un salarié
Pourquoi dans ces hypothèses recourir à la médiation ?
Tout d’abord, pour la confidentialité qui sera attachée à ce mode de résolution des litiges, dont on craint la publicité.
Mais aussi, parce que la médiation va le plus souvent représenter un gain de temps par rapport au règlement contentieux de ces problèmes.
Parce que la médiation est pragmatique et qu’elle permet un gain d’argent non négligeable par rapport à une procédure. Cela s’explique par le fait que la médiation est créative et hors du champ strict du droit (hors les règles d’ordre public).
Parce que son efficacité est prouvée, car plus de 8 médiations sur 10 aboutissent à des accords qui seront exécutés dans plus de 95% des cas.
Enfin, parce que la médiation est adaptée aux parties qui ne sont pas « confisquées » de leurs dossiers et qui pourront trouver grâce à elle une solution qui leur convient.
L’intérêt majeur de la médiation est que ce sont les médiés qui vont élaborer leur solution, de manière souple. Cette solution ne leur sera pas imposée par un juge ou un arbitre. Ce faisant, ils seront plus enclins à l’exécuter de bonne foi.
Qu’est-ce que la médiation ?
La médiation est un mode de règlement alternatif des litiges qui fait intervenir dans un conflit un tiers indépendant, impartial et qui, dans le cadre d’un processus structuré, va tenter de rapprocher les parties pour qu’elles trouvent elles-mêmes leur propre solution.
La médiation est différente de la conciliation, où une solution est proposée par le conciliateur, ou de l’arbitrage qui vise à délivrer une sentence.
Le médiateur est donc là pour tenter de rapprocher les parties.
Il ne donne ni gain de cause ni solution aux parties.
Il n’est ni un juge, ni un avocat, ni un expert.
Cela peut être un frein pour les personnes intéressées car le médiateur ne prend pas partie et ne donne raison à personne.
C’est la condition qui permet le rétablissement du dialogue, permettant l’émergence d’une solution commune.
Le médiateur est donc un facilitateur qui va rétablir la communication pour permettre aux parties de trouver un accord.
La médiation : un processus structuré
Le conflit n’est jamais qu’une question de perception d’une réalité objective.
Ainsi, le médiateur de trouver les outils pour que chaque médié voit la même chose.
La première étape consistera par la narration des faits par chacun des médiés et à ce que les parties se mettent d’accord sur le désaccord.
Le médiateur ne possède aucune baguette magique pour que des personnes acceptent de se reparler. En revanche, il a à sa disposition toute une palette d’outils tels que l’écoute active ou la communication non violente. La médiation est un processus structuré, technique et non pas une question d’intuition.
Le médiateur va aider les parties à se comprendre, leur permettre de comprendre comment le conflit est arrivé. Il s’agit d’arriver au point de bascule qui permettra dès lors en seconde partie aux médiés de laisser libre cours à leur créativité pour trouver une solution.
Le cadre
Le médiateur, qui peut être par ailleurs avocat, devra au préalable être dans la plus totale transparence avec les parties et leur rappeler qu’en tant que médiateur, il sera indépendant, impartial, neutre et tenu à la plus stricte confidentialité.
Il s’agit pour lui de sécuriser le cadre dans lequel la médiation doit se dérouler. Cela permet de libérer la parole pour que les parties puissent dire des choses qu’elles ne diraient pas devant un juge.
Cette sécurisation du cadre entraîne pour le médiateur qui pourrait être tenté de prendre parti de se désengager. Il en va de l’éthique du médiateur.
Le médiateur est responsable du cadre et il posera, au tout début du processus, des règles précises de non-interruption de la parole, de non-violence verbale et de confidentialité.
Même si la médiation est, théoriquement toujours possible à quelque stade que ce soit, il est néanmoins des cas où l’on pressent que cela ne fonctionnera pas.
Il est alors du devoir du médiateur d’avertir les parties de ces doutes.
On peut imaginer les hypothèses où une des parties est sous tutelle, n’a pas le pouvoir de décision finale ou bien encore a besoin d’une décision de justice pour préserver son image.
Il en va de même si l’une des parties est manifestement de mauvaise volonté ou souhaite user de techniques de manipulation.
Rappelons ici que c’est le recours à la médiation qui est obligatoire, pas le fait d’obtenir une solution par la médiation.
De même, il est toujours possible de sortir d’un processus de médiation, ce qui n’est pas permis dans le cadre d’une procédure judiciaire.
La médiation reste à privilégier dans tous les cas où l’on souhaitera préserver la confidentialité et éviter toute publicité, ou en faisant preuve de pragmatisme, lorsqu’on se rend compte qu’on ne détient pas tous les éléments de preuve à produire en justice.
Il en va de même pour toutes les situations où l’on est amené à rester en relation avec l’autre partie : par exemple avec un partenaire commercial ou dans le cadre familial (succession).
Le cas particulier de la médiation des CIF
Le médiateur de l’AMF publie chaque année son rapport. Il ressort de sa dernière édition que concernant ces professionnels refusent dans un tiers des cas tous recours à la médiation.
Cela peut s’expliquer par le fait que le médiateur de l’AMF se comporte en pratique plus comme un expert et prend parti dans le cadre des solutions préconisées.
Cette « prédisposition » pourrait peut-être expliquer la réticence des CIF à s’engager dans cette voie dès lors qu’elle leur est proposée.
Il s’agit donc de libérer la parole : tout ce qui sera dit au cours de la médiation ne sortira pas de la médiation (confidentialité). La médiation est une bulle.
En cas d’échec de la médiation, il sera impossible, en vertu du document initialement signé sur la confidentialité, d’utiliser les éléments produits par l’autre partie devant le juge. Cette confidentialité portera tant sur les paroles que sur les documents produits. D’ailleurs, seul le médiateur pourra parfois être destinataire de certains documents et pas l’autre partie.
En pratique
Le CGP qui sera à l’origine d’une proposition de médiation devra faire preuve de pédagogie, en la distinguant bien de l’arbitrage et de la conciliation.
Il pourra aisément mettre en avant l’avantage financier, la possibilité de se libérer du carcan du droit (dans la limite de l’ordre public bien évidemment) et bien sûr de la confidentialité, dans tous les cas où la publicité d’un procès nuirait à l’image de marque de l’une ou des deux parties.
En pratique, il faudra compter entre 3 et 6 mois pour mener à bien un tel processus, tout dépendant de la complexité de la situation à régler.
Le temps de la médiation
La pratique est que les frais soient partagés entre les parties, mais rien n’oblige à une répartition égalitaire.
Il faudra compter entre 2 et 3 séances, chacune étant séparée de l’autre par un délai d’au moins 15 jours. Bien évidemment, s’il faut faire intervenir des tiers experts (par exemple un expert-comptable pour valoriser des parts de société) ces délais pourront être plus importants.
La médiation se clôturera par un accord écrit. Ce n’est pas le médiateur qui aura la charge de sa rédaction mais bel et bien les parties, ou leurs conseils, afin de souligner leur participation active dans la résolution du litige qui les opposait.
Plus qu’un passage obligé, une obligation subie, la médiation pratiquée de bonne foi et avec intelligence permet au professionnel de gérer une situation conflictuelle avec plus de sérénité et en lui permettant de garder son énergie pour continuer son activité.
Car, si Balzac écrivait que « il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès », que diriez-vous d’arriver au meilleur arrangement ?
Caroline HORNY Médiatrice et Avocat DESARNAUTS & Associés Caroline est avocat, diplômée en médiation et droit collaboratif. Elle tente prioritairement de résoudre les litiges par la voie amiable en associant ses clients à la construction de solutions juridiques propres à leur litige, dans le but d’aboutir à des accords pérennes et satisfaisants. Elle est également enquêtrice Harcèlement.
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Laurent PETITJEAN Avocat Laurent PETITJEAN est avocat et propose aux professionnels du patrimoine (CGP, CGP-CIF…) une solution concrète et pratique à leurs problèmes quotidiens : conformité, réglementation professionnelle, devoir de conseil, rapprochement entre cabinets, RGPD… Il a été CGP pendant près de 20 ans.
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